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BÖLÜMLER

EŞREF ÇAKMAK - TÜRKİYE

 

En l'affaire Eşref Çakmak c. Turquie,

La Cour européenne des droits de l'homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :

Françoise Tulkens, présidente, 
 Ireneu Cabral Barreto, 
 Danutė Jočienė, 
 Dragoljub Popović, 
 András Sajó, 
 Işıl Karakaş, 
 Guido Raimondi, juges, 
et de Françoise Elens-Passos, greffière adjointe de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 25 janvier 2011,

Rend l'arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1.  A l'origine de l'affaire se trouve une requête (no 3494/05) dirigée contre la République de Turquie et dont un ressortissant de cet Etat, M. Eşref Çakmak (« le requérant »), a saisi la Cour le 17 septembre 2004 en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2.  Le requérant est représenté par Mes M. Gündoğdu, K. Ölmez et A.C. Zülfikar, avocats à Elazığ. Le gouvernement turc (« le Gouvernement ») est représenté par son agent.

3.  Le 27 mai 2009, la présidente de la deuxième section a décidé de communiquer la requête au Gouvernement. Comme le permet l'article 29 § 1 de la Convention, il a en outre été décidé que la chambre se prononcerait en même temps sur la recevabilité et le fond de l'affaire.

EN FAIT

I.  LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE

4.  Le requérant est né en 1981 et réside à Elazığ.

5.  Il entama son service militaire le 23 mai 2001 au sein du 3e bataillon de formation d'infanterie de la gendarmerie. A l'occasion d'un don du sang tout au début de son service, il fut diagnostiqué porteur du virus de l'hépatite B. Il commença aussi à souffrir de douleurs musculaires et de troubles de la vue, accompagnés d'un état de fatigue.

6.  Après une hospitalisation à Elazığ puis à İzmir, il obtint, le 23 novembre 2001, une permission de six mois.

7.  A l'issue de cette permission, il fut hospitalisé dans une polyclinique d'İzmir spécialisée dans les maladies infectieuses.

8.  Un rapport médical daté du 3 juin 2002 indiquait que le requérant était atteint d'une hépatite virale B chronique et le déclarait « inapte au service militaire ».

9.  Le 4 juin 2002, l'intéressé fut libéré de ses obligations militaires.

10.  Estimant qu'il avait contracté cette maladie du fait des mauvaises conditions d'hygiène dans lesquelles son service militaire s'était déroulé, il demanda une indemnisation au ministère de l'Intérieur (« l'Administration ») par une lettre du 2 juin 2003.

11.  Le 23 juillet 2003, l'Administration rejeta la demande en indiquant qu'aucune indemnisation n'était possible sans une décision judiciaire préalable.

12.  Le 22 septembre 2003, le requérant saisit la Haute Cour administrative militaire (« la Haute Cour ») d'un recours de plein contentieux, assorti d'une demande d'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Il fournit en annexe de sa demande les documents nécessaires : l'attestation d'indigence établie par l'élu du conseil d'administration de son quartier (« muhtar ») et la déclaration de non-imposition.

13.  Il réclama 100 000 000 000 livres turques (TRL) (environ 62 500 euros (EUR)) pour dommage matériel et 50 000 000 000 TRL (environ 31 250 EUR) pour dommage moral.

14.  Le 8 octobre 2003, la Haute Cour rejeta la demande d'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle au motif que les conditions prévues par la loi n'étaient pas réunies.

15.  Le 15 octobre 2003, elle demanda au requérant de payer, sous trente jours, les frais afférents à la procédure, lesquels s'élevaient à 2 076 970 000 TRL (environ 1 280 EUR), sous peine de voir son action déclarée non introduite.

16.  En l'absence de paiement de la part du requérant, la Haute Cour déclara, par un arrêt du 14 février 2004, l'action non introduite.

II.  LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS

17.   La Cour se réfère à l'aperçu du droit interne exposé dans les arrêts Tunç c. Turquie (no 20400/03, §§ 14-16, 21 février 2008), Bakan c. Turquie (no 50939/99, §§ 36-41, 12 juin 2007), Mehmet et Suna Yiğit c. Turquie (no 52658/99, §§ 19-22, 17 juillet 2007, et Ciğerhun Öner c. Turquie, no 33612/03, § 29, 20 mai 2008).

EN DROIT

I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 6 DE LA CONVENTION

18.  Le requérant soutient que le refus du tribunal administratif de lui accorder l'aide judiciaire l'a privé de son droit d'accès à un tribunal et par conséquent de la possibilité d'obtenir réparation du préjudice qu'il estime avoir subi. Il se plaint à cet égard d'une violation de l'article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé en ses parties pertinentes :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...) qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »

19.  La Cour constate que ce grief n'est pas manifestement mal fondé au sens de l'article 35 § 3 de la Convention. Elle relève par ailleurs qu'il ne se heurte à aucun autre motif d'irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.

20.  Le Gouvernement se réfère d'abord à la jurisprudence de la Cour, selon laquelle le droit d'accès à un tribunal n'est pas absolu et se prête à des limitations implicitement admises car il commande de par sa nature même une réglementation de l'Etat. Il rappelle que l'article 6 § 1 de la Convention, s'il garantit aux plaideurs un droit effectif d'accès aux tribunaux pour les décisions relatives à leurs « droits et obligations de caractère civil », laisse à l'Etat le choix des moyens à employer à cette fin. Il rappelle en outre qu'une limitation de l'accès au tribunal se concilie avec l'article 6 § 1 quand elle tend à un but légitime et quand il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

21.  Le Gouvernement soutient ensuite que, dans la présente affaire, le montant des frais de procédure et le refus d'accorder l'aide juridictionnelle au requérant étaient conformes au droit interne. Selon lui, les juges ont considéré qu'il n'y avait pas lieu d'accorder l'aide juridictionnelle à l'intéressé car ce dernier n'avait pas apporté la preuve du bien-fondé de sa demande au sens de l'article 465 du code de procédure civile. Par ailleurs, le Gouvernement note que le montant des frais de justice était calculé en fonction du montant des indemnités revendiquées, montant déterminé par le requérant lui-même. Il ajoute que celui-ci était représenté par un avocat et précise à cet égard que tout avocat qui assiste gratuitement une personne pendant un procès doit en informer le barreau, ce qui n'aurait pas été le cas en l'espèce. Il en conclut que le requérant disposait de suffisamment de revenus pour rémunérer son représentant et qu'il pouvait donc également prendre en charge les frais de procédure.

22.  En conséquence, d'après le Gouvernement, le rejet de la demande d'aide juridictionnelle n'a pas restreint le droit d'accès de l'intéressé à un tribunal d'une manière ou à un point tels que ce droit s'en soit trouvé atteint dans sa substance même.

23.  La Cour rappelle avoir déjà examiné un tel grief et avoir conclu à la violation de l'article 6 § 1 de la Convention (Bakan, précité, §§ 66-68).

24.  Elle observe qu'en l'espèce le non-paiement des frais de procédure a conduit la Haute Cour à considérer la demande du requérant comme non introduite. Le montant des frais de procédure exigés était de 2 076 970 000 TRL (soit environ 1 280 EUR à l'époque). Ayant à l'esprit que la Convention a pour but de protéger des droits non pas théoriques ou illusoires, mais concrets et effectifs (Artico c. Italie, 13 mai 1980, § 33, série A no 37), la Cour estime, au regard des données économiques de l'époque, que ce montant représentait une charge excessive pour le requérant. En effet, l'attestation d'indigence établie par le muhtar de son quartier au nom du requérant et la déclaration de non-imposition suffisaient à témoigner de la situation matérielle de l'intéressé. Par ailleurs, la représentation du requérant par un avocat ne signifie pas qu'il avait les moyens de couvrir l'ensemble des frais de procédure. Autrement dit, l'attestation d'indigence aurait dû entrer en ligne de compte dans l'appréciation de la Haute Cour ; or force est de constater que cela n'a pas été le cas. En outre et surtout, la décision de la Haute Cour n'ayant été aucunement motivée (paragraphe 14 ci-dessus), elle ne permet pas de s'assurer que le requérant a bénéficié d'un examen effectif et concret de sa situation (Ciğerhun Öner, précité, § 36).

25.  Ainsi, la Cour constate que le rejet de la demande d'aide juridictionnelle au stade initial de la procédure par la juridiction de première instance a totalement privé le requérant de la possibilité de faire entendre sa cause devant un tribunal.

26.  Dès lors, au vu de ces éléments, la Cour considère que le requérant n'a pas bénéficié d'un droit d'accès concret et effectif à la Haute Cour administrative militaire d'Ankara.

27.  Partant, il y a eu violation de l'article 6 § 1 de la Convention.

II.  SUR LES AUTRES VIOLATIONS ALLÉGUÉES

28.  Le requérant se plaint d'avoir contracté le virus de l'hépatite B en raison du manque d'hygiène régnant dans les casernes militaires et invoque à cet égard l'article 2 de la Convention.

29.  La Cour constate que ce grief n'est nullement étayé et qu'il doit être rejeté, en application de l'article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

III.  SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

30.  Aux termes de l'article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu'il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d'effacer qu'imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s'il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A.  Dommage

31.  Le requérant réclame 48 000 euros (EUR) pour préjudice matériel et 24 000 EUR pour préjudice moral.

32.  Le Gouvernement estime ces montants exorbitants.

33.  La Cour n'aperçoit pas de lien de causalité entre la violation constatée et le dommage matériel allégué et rejette cette demande. Elle rappelle qu'en principe le redressement le plus approprié d'une violation du droit d'accès à un tribunal garanti par l'article 6 § 1 de la Convention consisterait à faire juger la cause du requérant, à la demande de celui-ci et en temps utile (voir, dans le même sens, Serin c. Turquie, no 18404/04, § 44, 18 novembre 2008).

34.  S'agissant du dommage moral, la Cour, statuant en équité, accorde au requérant 3 000 EUR.

B.  Frais et dépens

35.  Le requérant demande également 11 095 livres turques (TRY) (5 544 EUR) pour les honoraires d'avocat engagés dans la procédure interne et dans celle devant la Cour, ainsi que 150 TRY (75 EUR) pour les frais et dépens. Il soumet un certain nombre de documents, mais aucun justificatif.

36.  Le Gouvernement conteste ces revendications.

37.  En ce qui concerne les frais et dépens, la Cour, au vu des éléments en sa possession, estime raisonnable la somme de 500 EUR, tous frais confondus, et l'accorde au requérant.

C.  Intérêts moratoires

38.  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d'intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L'UNANIMITÉ,

1.  Déclare la requête recevable quant au grief tiré du droit d'accès à un tribunal et irrecevable pour le surplus ;

2.  Dit qu'il y a eu violation de l'article 6 § 1 de la Convention ;

3.  Dit

a)  que l'Etat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l'arrêt sera devenu définitif conformément à l'article 44 § 2 de la Convention, 3 000 EUR (trois mille euros) au titre du préjudice moral et 500 EUR (cinq cents euros) au titre des frais et dépens, plus tout montant pouvant être dû par le requérant à titre d'impôt ;

b)  qu'à compter de l'expiration dudit délai et jusqu'au versement, ces montants seront à majorer d'un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

4.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 15 février 2011, en application de l'article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Françoise Elens-Passos Françoise Tulkens 
 
Greffière adjointe Présidente

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